24 févr. 2006

Les caricatures de Mahomet risquent de tout faire échouer



"...Hillel Neuer, directeur de l'ONG UN Watch déclare que [L'OCI] ne pouvait faire mieux pour bloquer le processus de réforme de la Commission des droits de l'homme..."-- J. Marejko, "Les caricatures de Mahomet risquent de tout faire échouer," L'Agefi, Feb. 24, 2006.


Par Jan Marejko


On pourrait voir, dans les violentes manifestations suscitées dans le monde arabe par les caricatures de Mahomet, la mise en oeuvre d'une stratégie destinée à couler le projet d'un Conseil des droits de l'homme destiné à remplacer l'ancienne Commission. Ces manifestations sont en effet venues à point nommé pour soutenir une proposition d'amendement proposée par 57 pays de l'OCI (Organisation de la Conférence Islamique). Selon cette proposition, il serait explicitement stipulé que «la diffamation des religions et des prophètes est incompatible avec le droit à la liberté d'expression». Mais après tout, pourquoi ne pas-accepter un amendement exigeant le respect des toutes les religions? Est-ce que cela ne forcerait pas certains pays à cesser leur propagande antisémite et antichrétienne?


On pourrait l'espérer mais on pourrait aussi en douter, surtout àl la lecture d'une clause supplémentaire stipulant que les attaques contres les religions provoquent des «dissonances sociales qui conduisent à des violations des droits de l'homme». Or, dans les sociétés dites avancées, la Liberté est précisément fondée sur de telles dissonances qui, ensemble, forment ce que Karl Popper appelait une «société ouverte». Dès lors, il n'est pas surprenant que les pays occidentaux aient rejeté en b!oc cet amendement, le jugeant dangereux pour la Liberté d'expression et celle de,la presse. Un diplomate européen y voit même les prémices d'une police religieuse.

De son côté, Hillel Neuer, directeur de l'ONG UN Watch déclare qu'on ne pouvait faire mieux pour bloquer le processus de réforme de la Commission des droits de l'homme. A l'heure où ces lignes étaient écrites, nous nesavions pas encore si Jan Eliasson (chargé de la rédaction de ce projet; avait réussi à trouver un compromis, mais on pouvait déjà douter que, devant de telles incompatibilités, il ait fourni, comme cela était annoncé par les agences de presse, une version définitive. D'autant que le 16 février, une réunion de conciliation entre des représentants de l'Union européenne et de l'OCl a déjà échoué ! On peut donc s'attendre à ce que la prochaine session de la Commission des droits de l'homme, qui doit commencerà mimars, ait la même forme que les précédentes et, dès lors, discrédite l'ensemble de l'ONU comme Kofi Annan semble le craindre..

Devant ce genre de difficulté, on pensera ce que disait Max Weber il y a déjà plus d'une centaine d'années, à savoir que les valeurs sont fondamentalement incompatibles. Autrement dit, on ne peut avoir la liberté ET l'égalité, la vérité ET la justice. C'est soit l'un, soit l'autre. Ou-plutôt, la volonté d'imposer jusqu'au bout une valeur, conduit à en éliminer nécessairement d'autres. On peut essayer de trouver des équilibres, mais il faut d'abord avoir conscience de ces profondes incompatibilités et les comprendre. Or, plus on lit des rapports onusiens sur les droits de l'homme, plus on a l'impression qu'ilssont rédigés par des esprits ne sachant plus que l'existence humaine se fonde sur des valeurs. Des individus, en Occident ou en Orient, sont morts et meurent encore au nom la justice pour témoigner de leur attachement à cette valeur: la vie organique peut apparaître moins importante que la liberté ou la justïce. On peut espérer que l'application universelle des droits de l'homme empêche ce sacrifice ultime, mais on peut sérieusement douter que cette application soit jamais faite par une commission onusienne.

(Pour voir l'original, cliquez ici)

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