Si Chavez est choisi par un vote de l'Assemblée générale attendu cet automne, l'ONU légitimera un autocrate en difficulté qui harcèle systématiquement des journalistes, des juges, des militants des droits humains et des leaders étudiants, un homme qui soutient les bouchers de la Syrie et de l'Iran, tout comme il a soutenu son «frère» Kadhafi jusqu’à la toute fin. — The Miami Herald, 1 Mai 2012.
GENÈVE - Un an après que le plus important organe des droits de l’homme de l'ONU eut enfin écarté le régime du colonel Kadhafi, l'organisation planifie discrètement d'y élire Hugo Chavez, mettant à l’épreuve l'engagement pris par l'administration Obama de tenir les tyrans à l’écart du Conseil des droits humains constitué de 47 pays.
Le Conseil a été créé en 2006 pour remplacer son prédécesseur après que le Secrétaire général de l'ONU à l’époque, Kofi Annan, eut reconnu qu'il était contaminé par un énorme «déficit de crédibilité», la «politisation», la «sélectivité» et un «professionnalisme en déclin», toutes choses qui «jettent une ombre sur la réputation du système des Nations unies dans son ensemble ».
Le forum remanié, avait déclaré l'ONU, élirait seuls les pays qui « maintiennent les normes les plus élevées dans la promotion et la protection des droits de l'homme ».
Pourtant, six ans plus tard, des membres du nouveau Conseil amélioré incluent systématiquement des prédateurs des droits humains comme Cuba, la Chine et l'Arabie saoudite. Eux et leurs alliés jouissent d’impunité. Lorsque le procureur, le juge et le jury sont eux-mêmes des délinquants, la justice devient une plaisanterie.
Si Chavez est choisi par un vote de l'Assemblée générale attendu cet automne, l'ONU légitimera un autocrate en difficulté qui harcèle systématiquement des journalistes, des juges, des militants des droits humains et des leaders étudiants, un homme qui soutient les bouchers de la Syrie et de l'Iran, tout comme il a soutenu son «frère» Kadhafi jusqu’à la toute fin.
Comme les échéances de mandat du Conseil exigent que la Chine, Cuba et la Russie se retirent l’an prochain, la candidature du Venezuela constitue une démarche stratégique du bloc autoritaire, destinée à mettre en échec la capacité de l'Occident d’adopter des mesures en faveur des victimes de Homs, de Téhéran et d’ailleurs.
Dans une entente secrète, le groupe latino-américain a concocté une liste de trois candidats pour combler trois sièges disponibles. Le résultat: des élections sans compétition, un exercice complètement dénué de sens.
Bien que les pays ne soient pas tenus de ratifier le choix des pays latino-américains, l'histoire montre que face à un nombre égal de candidats et de sièges ils entérineront ce choix comme lorsque la Libye de Kadhafi s’était portée candidate sur une liste africaine arrangée en 2010.
Les Etats-Unis entrent en scène. Lors d’un important discours politique prononcé en janvier dernier devant le Conseil des relations étrangères, l'ambassadeur américain pour la réforme des Nations unies Joseph Torsella a déclaré, en pointant du doigt spécifiquement le Conseil des droits de l’homme, que l'administration allait «forger une nouvelle coalition au sein de l'ONU à New York, une sorte de ‘caucus de la crédibilité’ pour promouvoir des élections véritablement concurrentielles, l'application rigoureuse des critères d'adhésion et d'autres réformes visant à tenir les pires contrevenants à l'écart».
Chavez entend désormais relever le défi. Pour l'arrêter, la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton doit convaincre un pays d'Amérique latine au dossier décent en matière de droits de l'homme de se présenter. Clinton devra aussi faire pression en sa faveur.
Ce ne sera pas facile. La position anti-occidentale de Chavez plaît à de nombreux Etats d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient. Les offres vénézuéliennes d’aide financée par son pétrole feront aussi leur chemin.
Néanmoins, les dernières élections à l'ONU ont montré que la plupart des pays s’abstiendront de choisir Chavez si on leur offre une alternative.
Et ses slogans de campagne, énoncés dans un document vénézuélien récemment soumis à l'ONU, sonnent creux.
« La République bolivarienne du Venezuela », nous dit-on, « est un État démocratique et social qui respecte les droits et la justice ». Les Vénézuéliens vivent sous « l'une des constitutions les plus avancées du monde » et jouissent « du plein exercice des libertés politiques » qui sont « sans précédent dans l'histoire de la République ».
Les rapports de groupes indépendants de défense des droits de l'homme racontent une toute autre histoire.
Par exemple, alors que le Venezuela s’engage dans son document soumis aux Nations unies à «accroître l'accès au système d'administration de la justice» et à tenir un « dialogue constructif » avec les experts de l'ONU, une affaire récente et notoire prouve le contraire.
En 2009, la juge María Lourdes Afiuni a eu le courage de libérer un prisonnier politique et adversaire de Chavez dont la détention avait été déclarée arbitraire par un panel d'experts de l'ONU.
Chavez a immédiatement jeté en prison la juge Afiuni, la qualifiant de « bandit » à la télévision nationale. Elle a souffert d'abus et de dommages à sa santé. Aujourd'hui, elle vit en résidence surveillée et on ne lui a permis que récemment d'être soignée dans un hôpital pour cancéreux.
Telle est la véritable situation des droits humains au Venezuela aujourd'hui.
En annonçant sa nouvelle politique, les Etats-Unis ont souligné que les contrevenants des normes internationales ne devraient pas être le visage public de l'ONU.
A moins que la Secrétaire d’Etat Clinton agisse maintenant, le visage de la plus haute instance des droits de l'homme de l’ONU sera bientôt celui de Hugo Chavez.
Hillel Neuer est le directeur général de UN Watch, une organisation de défense des droits de l'homme basée à Genève.
Traduit par CERJI
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