Présentation de Marina Nemat dans La Gazette des femmes:
Marina Nemat connaît bien la prison d’Evin où Hamid Ghassemi-Shall est détenu. Elle y a été emprisonnée en 1982, alors qu’elle n’avait que 16 ans. Arrêtée pour avoir manifesté contre l’ayatollah Khomeiny, elle est aussitôt condamnée à mort. Après avoir subi privations, torture, viols, elle sortira d’Evin deux ans plus tard, grâce à son mariage, en prison, avec l’un de ses bourreaux, Ali Moosavi.
« Les mariages à la prison d’Evin sont une façon de légaliser le viol, explique-t-elle. Toutes les filles âgées de 9 ans et plus peuvent être mariées à un garde ou à un interrogateur pour une demi-heure ou plus. »Ali, son ange noir qui la sauve de justesse avant son exécution au prix d’un mariage, exige également qu’elle renie son catholicisme pour se convertir à l’islam.
« J’ai été mariée en prison 15 mois. Le sort a voulu que, après avoir démissionné parce qu’il avait eu un désaccord avec le directeur de la prison d’Evin, Assadollah-eh Ladjevardi (connu sous le nom de “boucher d’Evin”), Ali a été assassiné. Ladjevardi m’a gardée en prison six mois après la mort d’Ali. Il voulait me marier à un autre gardien. Mais le père d’Ali, ami de l’ayatollah Khomeiny, a pu obtenir ma libération. »
À l’autre bout du fil, au milieu de l’entretien, voilà que cette femme plus grande que nature, miraculée de l’horreur, remercie son interlocutrice.
« Je vous remercie d’écrire sur la peine de mort, parce que ça touche la perte de nos droits. Et le droit le plus élémentaire, c’est le droit de vivre. Quand on nous retire ce droit, il n’y a plus de limites. Tout se dérègle. Il n’y a plus rien de sacré. C’est ce qui arrive dans les pays où la peine de mort est permise. C’est ce qui arrive en Iran. »Le gouvernement iranien pratique en effet la peine de mort avec une frénésie seulement dépassée par celle de la Chine.
En Iran, les femmes, ainsi que les membres des minorités religieuses et ethniques, souffrent de discrimination, notamment en ce qui a trait au code vestimentaire. Si l’habillement des femmes peut être jugé impudique, les hommes qui portent des chemises à manches courtes, par exemple, peuvent aussi être accusés d’indécence.
Le traitement en prison des femmes et des hommes est toutefois différent.
« On fait boire aux prisonnières un thé qui contient du camphre dans le but de stopper les menstruations et d’éviter des dépenses en serviettes hygiéniques, raconte Marina Nemat. Les effets secondaires sont atroces. Vous vous mettez à enfler et la dépression vous guette. »
Dans les années 1980, alors que Marina Nemat était emprisonnée, des exécutions de masse ont eu lieu.
« C’est comme ça que les geôliers d’Evin géraient la population : en tuant des gens. Il y avait des prisonnières liées à différents groupes politiques. La majorité des femmes appartenaient à l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien. En 1988, après ma libération, il y a eu un énorme massacre de tous les moudjahidines emprisonnés, ordonné par la fatwa, un décret religieux émis par Khomeiny. Plus de 30 000 personnes ont été exécutées. »
Lien original: http://www.gazettedesfemmes.ca/6675/trois-femmes-contre-la-peine-de-mort/
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