Fabio Rafael Fiallo
Cela fait un bail. Mais je me souviens quand même. Je me souviens qu’au milieu du siècle dernier, j’avais 5 ans quand mon grand-père disparut inopinément. «T’inquiète pas petit, papi est à l’hôpital, soigné pour une légère infection, mais il nous reviendra bientôt», me disait-on alors, comme pour apaiser mes craintes de ne plus le revoir.
Je me souviens aussi que plus tard, grand-père de retour, il m’expliqua qu’en fait, ce n’était pas dans un centre de santé qu’il avait séjourné, avec d’ailleurs deux de ses frères, mais dans une prison immonde. Il m’expliqua également que ce n’était pas la première fois qu’il avait été incarcéré, qu’il lui fut arrivé de passer des semaines entières, voire des mois interminables, dans une cellule d’un mètre cinquante de long, une cellule plus petite que sa taille. Il m’expliqua enfin, les yeux rougis de colère et en même temps de fierté, la raison de ces emprisonnements: il refusait de collaborer avec la dictature qui sévissait dans notre pays en ce temps-là.
Ma famille était, pour faire bref, une famille de dissidents. La dictature en question était celle de Rafael Trujillo, qui gouverna la République dominicaine de 1930 à 1961.