Hillel Neuer, le directeur exécutif d’UN Watch (l’observatoire des Nations-Unies), travaille à s’assurer que les Nations-Unies et son Conseil des Droits de l’homme de l’Onu poursuivent leurs idéaux fondateurs.
Par Howard Bokser
Hillel Neuer, diplômé du BA 1993 (sociétés, cultures occidentales et sciences politiques) est un homme très occupé. Neuer est directeur exécutif d’UN Watch (l’Observatoire des Nations-Unies), une organisation non-gouvernementale (ONG) qui garde un œil vigilant sur le très controversé Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, basé à Genève, en Suisse, lié aux Nations-Unies à New York, et donc sur les violations des droits de l’homme à travers le monde. « Et les problèmes relatifs aux droits de l’homme surviennent 24 heures sur 24 », déclare Neuer.
UN Watch a été fondé en 1993 par Morris Abram, un magistrat américain ayant travaillé pour le Tribunal de Nuremberg sur les crimes de Guerre, à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, un avocat à la pointe du mouvement pour les droits civiques, qui a officié sous cinq Présidents américains et a été nommé Ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, à Genève. La mission remplie par UN Watch est de veiller à la conformité des Nations Unies aux critères de sa charte fondatrice. Cet organisme est également fréquemment sollicité par les réseaux médiatiques internationaux pour leur fournir des analyses et commentaires à propos de l’ONU et des sujets ayant trait aux droits de l’homme.
Neuer signale que : “ Pour une année donnée, nous pouvons être cités dans 250 articles différents, par Reuters, The Economist, l’International Herald Tribune, le New York Times ou le Journal de Wall Street. Et j’ai participé à des débats sur CNN, Fox News, la BBC, Al-Jazeera et d’autres réseaux télévisuels »
Neuer a été diplômé de l’Ecole des arts de la Démocratie (Liberal Arts Collège) et promu en Sciences Politiques de Concordia. Il a ensuite passé des diplômes de droit civil et droit public à l’Université Mc Gill, en complétant sa dernière année à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Il a résidé e Israël en occupant les fonctions de clerc pour la Cour Suprême de Justice israélienne et achevé un master de Droit à l’Université Hébraïque. Neuer a ensuite occupé un poste au sein d’un cabinet de juristes new-yorkais : Paul, Weiss, Rifkind, Wharton et Garrison LLP, et, en 2004, est devenu directeur exécutif d’UN Watch.
Frederick Krantz, l’’un des anciens professeurs de Neuer à Concordia, a été le fondateur principal du Liberal Arts College. « Hillel était un étudiant exceptionnel. Il était également un membre actif du CIJR (Institut Canadien de Recherches sur le monde juif) et éditeur de «l’Agenda du Moyen-Orient », notre magazine étudiant », se rappelle Krantz, qui est également directeur de l’Institut Canadien de Recherches sur le monde juif (CIJR), un Think Tank basé à Montréal.
“ En tant que dirigeant d‘UN Watch, j’aime à croire qu’Hillel a mis en œuvre les compétences juridiques, rédactionnelles et les capacités d’analyse qu’il a, en partie, puisées au Liberal Arts Collège et au CIJR ». Neuer a tenu le discours le plus important et un atelier de réflexion sur des droits de l’homme durant les célébrations du 30 ème anniversaire du Liberal Art Collège, en 2009.
“Le résultat probant, c’est qu’il a suscité la vocation de bien nos étudiants à poursuivre des études juridiques portant sur les droits de l’homme », ajoute Krantz. Irwin Cotler, membre du Parlement canadien et professeur de droit à l’Université Mc Gill, qui y a été l’enseignant de Neuer confirme que tous deux sont restés étroitement liés. Il décrit que : « Hillel a démontré des capacités exemplaires de leadership au sein d’UN Watch, qui rappelle l’ONU à ses responsabilités à l’égard de ses idéaux et principes fondateurs ». « Il a également organisé la 1ère et seconde Conférence de Genève sur la Droits de l’Homme, la Tolérance et la Démocratie, auxquelles j’ai participé et quia contribué à traiter de problèmes fondamentaux, tels que la prévention des Génocides, face à l’ensemble des défenseurs des droits de l’homme. Ily avait là un contraste saisissant avec les travaux du Conseil des droits de l’homme, qui est situé juste de l’autre côté de la rue.
Le Magazine de l’Université Concordia a rencontré Hillel Neuer pour discuter avec lui de la période de sa vie passée à Concordia, de l’ONU et des Droits de l’homme et du rôle d’UN Watch.
Magazine de l’Université Concordia : Quels souvenirs gardez-vous de votre passage à Concordia et au Liberal Arts Collège?
Hillel Neuer: Le Liberal Arts Collège réunit une collectivité qui se consacre corps et âme à la recherche de la connaissance, de la vérité, de la philosophie, des arts et de la littérature. Il développe réellement une communauté de savoirs et une compréhension culturelle de la culture ! J’ai eu la chance de bénéficier d’éminents enseignants, tels que le Professeur Fred Krantz, le regretté Harvey Shulman et Virginia Nixon.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle d’UN Watch ?
Nous sommes une ONG, une organisation accréditée par l’ONU. Nous participons à toutes les sessions du Conseil des Droits de l’Homme. Nous y avons droit à la parole. Les ONG ne disposent pas de cette opportunité, au Conseil de Sécurité ou lors de l’Assemblée Générale, à New York. A Genève, cependant, nous sommes partie prenante du débat.
La mission spécifique d’UN Watch est de mettre en exergue les principes de la charte de l’ONU, un document de grande valeur et de démocratie, rédigé par des idéalistes qui travaillaient pour le Président des Etats-Unis, Franklin D. Roosevelt, avec la vision d’une organisation internationale qui aurait protégé les principes de liberté et de paix. Nous observons l’ONU et n’hésitons pas à intervenir à chaque distorsion à l’encontre de ces principes –lesquelles sont bien trop fréquentes, malheureusement- et nous promouvons ainsi les droits de l’homme.
Une grande partie de notre travail consistait à veiller sur la Commission des droits de l’homme, qui a connu de nobles débuts, mais qui, malheureusement, a dérivé de sa vocation première. C’en était devenu si flagrant que Koffi Annan, le Secrétaire général de l’ONU, a dû la supprimer en 2005. Il a alors déclaré qu’elle était devenue une agora politisée et que les pays s’y réunissaient pour s’en servir de bouclier afin de masquer leurs propres violations. Il a proposé de la mettre au rebut et de créer le Conseil des droits de l’homme. Malheureusement, ce nouvel organisme ne s’est guère montré meilleur. En fait, il est même pire. Le gouvernement du dictateur libyen, Muammar Kadhafi venait juste d’être élu pour siéger au Conseil durant les trois années suivantes. La Lybie a été rejointe par d’autres membres déjà présents, tels que la Chine, Cuba, le Pakistan, l’Egypte et l’Arabie Saoudite – des pays qui sont largement mis en cause pour leurs violations systématiques des droits de l’homme et qui en dictent l’agenda. C’est un monde sens dessus-dessous (un univers orwellien).
De façon qui n’est pas surprenante, le Conseil adopte fréquemment des résolutions qui ont pour effet de saper les droits de l’homme. En mai 2009, à la suite des massacres au Sri Lanka, estimés à 20 000 civils dans cette guerre contre les rebelles Tamul, l’Union Européenne a instigué une séance spéciale du Conseil des droits de l’homme afin que le Sri Lanka lui rende des comptes. Mais, du fait que la proportion d’obédience démocratique est minoritaire au sein du Conseil, les régimes répressifs ont été en mesure de déformer le texte originel de telle façon qu’il s’est achevé par un éloge du Sri Lanka ! Ceux-là même qui avaient initié la session ont du lui retirer leur parrainage ; leurs bonnes intentions avaient été complètement inversées par la majorité du Conseil.
De quelle façon UN Watch peut-il s’insérer dans une telle équation?
L’ONU a besoin de “chiens de garde”. Le Canada, par exemple, est une démocratie vibrante parce que nous disposons d’institutions responsables : la liberté d’expression, les blogs critiquant l’action du gouvernement, un appareil judiciaire indépendant, des élections libres, une presse libre et ainsi de suite. Mais, lorsque le Conseil des droits de l’homme adopte une résolution trompeuse, outrageusement pernicieuse – comme la résolution faisant l’éloge du Sri Lanka – il n’existe aucun recours, pas de procédure d’appel à des organismes comme une Cour Suprême. Aussi notre rôle est-il de défendre les principes de l’ONU, exactement de la même façon que la Cour Suprême du Canada garantit les droits et libertés de tout abus de pouvoir de la part du gouvernement. Un autre problème majeur, pour UN Watch, (l’Observatoire des Nations Unies), qui est affilié au Comité Juif américain, est de combattre l’antisémitisme et le traitement inique d’Israël, qui, pensons-nous, ne portent pas seulement préjudicie à Israël, mais également aux Palestiniens, à la paix au Moyen-Orient et l’ONU dans son ensemble.
Israël doit être tenu responsable de ses actes. Le problème au Conseil est que nous ne percevons aucun équilibre. Israël est condamné de façon répétitive, en fonction de quoi il n’y a jamais aucune tentative d’exiger la moindre responsabilité de la part des voisins d’Israël : les Palestiniens, la Syrie, ni même l’Iran. Cette approche unilatérale dissuade les Israéliens d’avoir la moindre confiance dans l’ONU. Et alors même que ces résolutions se présentent comme « pro-palestiniennes », elles ne le sont, en fait, absolument pas. Elles ne font qu’inciter les extrémistes, retardent tout compromis et portent préjudice à la propre crédibilité de l’ONU, en tant qu’intermédiaire fiable concernant les problèmes du Moyent-Orient.
Neuer, tout à droite, avec l’ancien Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan à Washington, en 2006. Neuer constate que les actions du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU sont diamétralement opposées aux Idéaux de la Déclaration Universelle des droits de l’homme.
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Lors de la dernière session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2010, il y a eu 5 résolutions contre Israël et pas plus de 4 pour tout le reste du monde réuni. C’est totalement ridicule !
C’est blessant pour des millions de victimes d’abus contre leurs droits humains, dont la situation n’apparaît jamais à la lumière du jour. Les diplomates ne consacreront qu’un temps et des ressources extrêmement limitées à une session du Conseil. Chaque résolution contre Israël est autant de temps, de ressources et d’autres résolutions qui ne sont pas dévolues comme il se devrait aux victimes qui souffrent quotidiennement au Tibet, au Zimbabwe ou en Tchétchénie.
Ceux- qui introduisent ces résolutions sont, eux-mêmes, les pires violeurs des droits de l’homme. Il s’agit d’une stratégie délibérée pour détourner l’attention de leurs propres abus.
En mars, le Canada été critiqué pour son traitement des minorités par un expert indépendant de l’ONU sur le problème des minorités, l’Américain Gay Mc Dougall. Qu’est-ce cela vous inspire ?
Cet expert, qui est désigné par le Conseil des droits de l’homme, sélectionne chaque année quelques rares endroits à visiter, et fait un rapport au sujet des droits des minorités. L’une des zones qu’elle a choisi cette année était le Canada. Le Canada est un des meilleurs pays au monde pour les minorités. Il est évident que c’est complètement fallacieux. J’ai grandi au Québec et je suis averti des réels problèmes et sujets de préoccupation.
Cela dit, d’un point de vue global, lorsque l’ONU a gâché du temps et des ressources, la priorité naturelle serait de se pencher sur des pays perpétrant un génocide, ou une épuration ethnique et sur lesquels il n’y a personne – pas de presse libre, pas de système judiciaire, pas de groupe des droits de l’homme – pour parler au nom des minorités. Il y a les victimes qui ont vraiment besoin d’aide de la part d’une voix internationale comme l’ONU. Divertir l’attention vers le Canada, je pense, démontre un sens perverti des priorités.
L’ONU est-il encore pertinent?
L’ONU est toujours indispensable. Notre monde d’aujourd’hui est globalisé. Nous avons besoin d’une institution globale pour offrir un forum diplomatique permanent pour dialoguer et réguler les problèmes globaux comme la santé, le travail, le commerce, les désastres humanitaires et la souffrance. Nous avons besoin de l’ONU. Mais nous avons que l’ONU travaille de façon juste et équitable. Quel pouvoir peut bien avoir le Conseil des droits de l’homme ? Ce Conseil des droits de l’homme n’a pas le pouvoir de l’épée, qui est détenu par le Conseil de sécurité. Il n’a pas le pouvoir de poursuivre, détenu par l’Assemblée Générale. Tout ce qu’il a, c’est le pouvoir de faire honte, de braquer les projecteurs sur les abus d’un pays, qui, sinon demeuraient cachés. C’est significatif. Nous savons que tous les pays, dont ceux qui abusent le plus, comme la Chine, jouent d’influence pour éviter toute critique. Cela prouve au moins que les mots importent.
Quel pouvoir peut exercer UN Watch?
Le pouvoir de révéler la vérité. Nous sommes capables d’informer une vaste population en diffusant nos messages dans les medias et en construisant des pressions pour réformer le système. Nos vidéos sont vues plus d’un million de fois sur Youtube. Si nous critiquons un sujet donné, l’ONU en entendra parler. Cela ne veut pas dire qu’on y répondra e façon appropriée, mais c’est entendu. Il y a quelques années, le Haut- Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et ancienne juge canadienne, Louise Arbour a publié une déclaration qui faisait l’éloge de la Charte arabe sur les droits de l’homme, après qu’elle ait été ratifiée par plusieurs états arabes. L’essentiel des déclarations du texte disait que le Sionisme devait être éliminé de la même façon que le racisme. Faire une équivalence entre le Sionisme et le racisme, c’est quelque chose que l’ONU a déjà fait, mais à laquelle elle a renoncé en 1991. Dans ses mémoires, l’universitaire et juriste canadien, John Humphrey, qui avait contribué à esquisser la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, a décrit ce genre de langage comme de l’antisémitisme. Nous sommes immédiatement intervenus. Cela a été rapporté partout à travers le monde, y compris dans plusieurs journaux canadiens. En moins d’un jour ou deux, Arbour s’est rétractée, en disant qu’elle s’opposait à ces recommandations. A cause de notre protestation médiatique, nous avons pu obtenir cette rétractation. Les mots importent. Les mots engendrent les actes. Les gouvernements et les civilisations sont fondées sur une représentation de la légitimité. Les gouvernements ne dirigent pas de par leur seul bon vouloir. Ils sont éventuellement réglés par le droit et le sens de la légitimité.
Adaptation: Marc Brzustowski, lessakele.over-blog.fr et aschkel.info
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